A QUOI RESSEMBLE LA MATIÈRE ORGANIQUE INSOLUBLE DES MÉTÉORITES ?
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Vous avez réussi à synthétiser en laboratoire de la matière organique très semblable. Comment avez-vous fait ?
S. D. : Nous avons fait se rencontrer des radicaux CH. Pour ce faire, nous avons fait circuler des molécules de méthane (CH4) dans un tube sous vide soumis à des irradiations micro-ondes. Ces décharges enlèvent un radical hydrogène aux molécules présentes et permettent d'obtenir des radicaux CH super réactifs. Après 1 à 3h d’expérience, nous avons obtenu des dépôts de matière organique sur les parois en verre du réacteur. Nous avons analysé ces dépôts et trouvé des caractéristiques comparables à celles de la matière organique des météorites à savoir des unités aromatiques, des longueurs de chaînes aliphatiques et de grandes variations spatiales en isotopes de l’hydrogène comme dans celle de la matière organique des météorites.
Mais pas d'azote ni d'oxygène dans vos macro-molécules !
S. D. : Oui, nous nous sommes limités à une formation avec du carbone et de l'hydrogène car si on avait voulu tout mimer du premier coup, on risquait de ne pas s'en sortir. Il nous reste à incorporer maintenant l'azote et l'oxygène. Ces recherches sont en cours !
Faut-il imaginer un fort rayonnement micro-ondes dans le système solaire primitif ?
S. D. : Non, les radicaux CH ont certainement été formés par le fort rayonnement UV venant du jeune Soleil. Il faut imaginer un disque protoplanétaire riche en radicaux organiques !
Réacteur expérimental : un tube de verre en forme de U soumis à des irradiations micro-ondes. Crédits : Biron et Robert.
Dépôts de carbone obtenus sur les parois en verre du réacteur après 1 à 3h d’expérience. Crédits : Biron et Robert.
Pourquoi s'intéresser à la matière organique des météorites?
Car la vie sur Terre repose sur la matière organique : protéines, ADN, ARN,… D’où viennent et comment ont été fabriquées ces ''briques élémentaires de la vie'' ? Peut-être des météorites et des comètes qui les auraient apportées sur Terre en la percutant. C'est l'une des hypothèses d'exobiologie en vogue actuellement !
Référence bibliographique
- Hydrogen isotope fractionation in methane plasma: (Cosmo) chemical implications, François Robert, Sylvie Derenne, Guillaume Lombardi, Khaled Hassouni, Armelle Michau, Peter Reinhardt, Rémi Duhamel, Adriana Gonzalez, Kasia Biron. PNAS, le 16 janvier 2017
Contacts
- Sylvie Derenne, chercheuse au laboratoire METIS (CNRS, UPMC; EPHE) : sylvie.derenne at upmc.fr
- François Robert, chercheur CNRS à l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (CNRS, MNHN, UPMC) : francois.robert at impmc.upmc.fr
- Michel Viso, responsable du programme Exobiologie au CNES : michel.viso at cnes.fr
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